Alexandra Marini

Philippe Pastor, c’est un fait, vit dans un état de tension continue et de perpétuels questionnements. Sa révolte contre la destruction de l’environnement est telle que sa vie et son œuvre en sont totalement imprégnées. Et dans ce combat effréné, l’art est son arme la plus puissante, la plus noble, et la plus universelle, car s’il existe un sujet qui nous concerne tous, ce doit être celui de l’environnement. Retiré dans une ancienne bergerie de la Garde-Freinet, dans le Massif des Maures, au cœur de la montagne, cette bordure floue où l’esprit se perd, l’artiste a fait de la nature son atelier. Il la parsème d’immenses toiles et, sans relâche, déplace, accumule, griffe, trace, brûle, colore les matières naturelles, trouvées ça et là, à proximité. Car ce n’est pas seulement l’immensité de l’univers qui l’intéresse, mais également la finesse des éléments qui constituent cette immensité. Sensible aux changements les plus subtils de la nature, il compose avec les saisons, le climat, les minéraux et végétaux en tous genres : la création naît de la mise en rapport de l’être avec le milieu, comme pour mieux faire surgir de l’art une nouvelle vie.

La participation de l’artiste à la 53e Biennale de Venise marque un tournant décisif dans son œuvre. Il y expose pour la première fois la série « Le Ciel regarde la Terre ». Semblables à des images de la Terre prises par un satellite, ces scènes dénoncent le chaos humain et naturel, au travers du prisme de drames contemporains. Les toiles englobent des masses de pigments naturels venus du Maroc, qui se mêlent à d’autres éléments naturels, et que Pastor travaille de manière directe, frontale, presque sensuelle, jusqu’à la limite de l’effondrement. Mais l’utilisation de la flamme oxhydrique ne se fait pas attendre. Dans un devoir de mémoire, elle ravive le douloureux souvenir de l’incendie criminel qui a ravagé le Massif des Maures en 2003, et marque un degré supplémentaire dans l’urgence de la sauvegarde de l’environnement. Tels des écosystèmes au devenir chaotique, ces toiles restées en plein air sont destinées à subir à leurs tours les intempéries et autres érosions naturelles : l’homme et la nature interagissent, jusqu’à créer un très bel équilibre. Évoquons également l’utilisation de formes symboliques, à l’instar de la série des « Cœurs », empreinte d’une grande poésie. Pourtant, là encore, le feu est dévastateur. Lorsque Pastor brûle un cœur, il dénonce un crime. Il donne à sa révolte le visage le plus dramatique et le plus violent qui puisse être exprimé.

Philippe Pastor croit fermement que l’art peut être un réel moyen de transformation de la société. Il veut nous sensibiliser à la cause environnementale et nous révéler ce paysage dont, manifestement, nous ne percevons pas toutes les richesses. L’art de Philippe Pastor est un Art du Monde. En nous plongeant  « au cœur de l’humanité », il nous fait passer ce message essentiel : détruire la nature, c’est détruire l’Homme. La nature devient ainsi le terrain d’expérimentation où l’homme agissant sur son environnement est conscient d’agir sur lui-même. Alors le regard peut s’émerveiller de la beauté des formes ou de l’intensité des couleurs de ce paysage identifiable et pourtant tellement autre. Ces travaux portent en eux quelque chose de quasi-mystique. D’ailleurs, on les contemple plus qu’on ne les regarde. L’essentiel est dans la nature et dans le cœur des hommes. Paroles d’un artiste engagé.